Voix off : port du casque obligatoire ?
Le casque en enregistrement voix off : oui, non, c’est vous qui voyez ?
Après le sujet le plus bateau du métier (quel est le meilleur micro pour la voix off), voici un autre sujet battu et rebattu, mais souvent mal compris : le port du casque durant l’enregistrement de la voix off. Gênant, optionnel ou ‘chaudement recommandé’ ?
Casquer ou ne pas casquer ?
Les détracteurs du port du casque mettent en avant qu’ils préfèrent se concentrer sur leur interprétation plutôt que sur le son de leur voix. C’est un peu comme un pilote de formule 1 qui dirait préférer ne pas porter son harnais de sécurité parce que ça le gêne dans son pilotage : le port d’un casque nous permet au contraire de nous concentrer sur notre travail.
Même en étant dans une cabine acoustiquement traitée (ce qui est – ou devrait être – le cas de tout comédien voix off professionnel) il y a une interaction entre la pièce et nous. Notre radar interne qui nous permet, mammifères que nous sommes, de savoir où nous nous trouvons, est en travail constant. Le casque retire cette interaction parasite en nous isolant du monde extérieur.
En portant un casque pour l’enregistrement d’une voix off, nous pouvons entendre précisément ce qui est enregistré. Si nous faisons un bruit de bouche qui devrait engendrer une reprise, sans casque, c’est seulement à la réécoute que ça deviendrait apparent. Et retourner dans le même sentiment est plus difficile que de s’arrêter et de faire un repiquage immédiatement, en restant dans l’intention.
On s’écoute parler. Si si.
Une autre raison, physiologique celle-là. Quand quelqu’un d’autre nous parle, il émet en fait des ondes de pression dans l’air, un peu comme l’ondulation de l’eau après qu’on y ait jeté une pierre. Nous recevons ces ondes de pression grâce à nos tympans (puis aux osselets) qui vibrent à différentes vitesses selon la fréquence de ces ondes (la vitesse à laquelle elles sont émises). Ces vibrations sont traitées par un petit organe appelé la cochlée, qui aide à les transformer en signaux électriques que notre cerveau décode alors pour les transformer en sons.
Pour les ondes de pression que nous produisons nous-même, c’est différent. Quand nous ‘entendons’ ce que nous disons (sans casque), en fait, nous n’entendons pas (ou peu) : nos tympans et nos osselets réagissent moins à ces ondes en suspension dans l’air qu’aux vibrations de notre boîte crânienne qui interagit avec le reste de notre corps qui, justement, vibre, en produisant ces ondes. Nous ne sommes pas devant les enceintes, nous sommes à l’intérieur de l’ampli. Et notre cerveau n’a pas besoin de décoder, puisque c’est nous qui produisons la musique. C’est la raison pour laquelle la plupart des gens n’aiment généralement pas le son de leur voix quand ils l’entendent enregistrée : ce n’est pas ce qu’ils entendent quand ils parlent, et c’est donc perturbant.
La seule façon d’entendre ce que les autres entendent est de shunter cet effet en portant le casque. Vous trouverez un article fascinant qui explore ce sujet de perception subjective de notre propre voix ici (en anglais).
Sur le même sujet, je vous invite également à regarder ce TEDtalk de Rébecca Kleinberger, une scientifique spécialiste de la voix.
La voix, seulement un des instruments de l’orchestre
Et pour finir, peut-être la plus importante des raisons. Si le projet sur lequel nous travaillons contient des SFX (spot TV ou radio, promo web, vidéo institutionnelle…), enregistrer sa voix sans prendre en compte ces SFX (ou M&Es pour nos amis anglophones) est une aberration – c’est un sujet que j’aborde également dans mon article Une Question d’Organe. C’est un peu comme si en musique, on enregistrait la basse sans prendre compte les autres instruments. La voix n’est qu’un des éléments du mix et doit impérativement être en harmonie avec les autres éléments au niveau intention, tonalité, rythme et évolution. Et quand on fait du voice-over, se caler sur la version originale exige évidemment de pouvoir… la suivre.
Casque d’accord, mais quel casque ?
En cabine, impérativement un casque fermé, pour éviter la repisse qui parasiterait votre prise. Évitez les modèles hi-fi pour leur préférer des casque professionnels, plus neutres, conçus spécifiquement pour l’environnement plus brutal des studios et pour être portés confortablement pendant de longues périodes.
Quelle marque ? Chacun a ses préférences, faites un test en magasin et voyez celui vous convient le mieux. Ma préférence personnelle va au Beyer Dynamic DT150 pour enregistrer ; il est neutre, très confortable, ne fuit pas et est construit pour résister à une attaque nucléaire, ou presque.
Pour écoute critique, ma préférence va au DT770 Pro 80 Ohms de la même marque – il est trop ‘brillant’ à mon goût pour enregistrer avec mais est aussi neutre, est encore plus confortable et est d’une clarté phénoménale.
Le casque le plus cher ? Celui en photo ci-contre, sublime, c’est l’Orpheus HE 1 de Sennheiser. Mais il va vous falloir… casquer (oui, la blague était facile, je vous le concède) environ 50 000 € – oui, avec quatre zéros après le 5. Il est livré avec son propre pré-ampli à tubes mais pas de chance, c’est un casque ouvert. Tant pis, il vous faudra continuer de chercher !
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Pierre,
I love the way you added substance to this post by linking to various resources. That TED talk, in particular, was fascinating.
I came into this post sort of pre-armed to defend the perspective that I’ve learned over the years to use headphones as little as possible.
In my specific case, the fact that not a single voice actor takes the same journey to the microphone as another is important to acknowledge.
I became a radio announcer at 15, working in English, my second language. I was already very fluent and unaccented – a gift from my father’s side of he family.
However, it was important that I always sounded “older and more mature” because the radio station’s audience was older adults.
At 15, all “older adults” are walking caricatures, so I attempted to sound like I thought they’d want me to sound, without any idea what that might be. LOL.
In any case, we always wore headphones, and I always carefully monitored my voice to ensure I « conformed » to whatever mistaken idea I had about the target audience, etc.
When I started working full-time as a voice actor, one of my first coaching sessions was with a remarkable voice coach, Marice Tobias. She’s worked with everyone from Marlon Brando to Donald Sutherland to Don LaFontaine to the great unwashed mass of lesser-known but very successful voice actors across America and Canada in particular, but also throughout Europe.
When Marice first suggested that headphones were the « enemy » of authentic performance for most performers, many voice actors who’d come from broadcasting backgrounds still had some of the same distortions in their external voice personalities as I did. Despite my actual physical discomfort at NOT wearing headphones in a performance, I tried it.
I remember feeling and hearing the difference in my performance when I first worked with her in the year 2000 or 2001 and I was astonished at the difference. In my case, not having the distorting effect of “monitoring” at the same time as I was trying to create a performance moment by moment, and IN the moment, was a key way for me to achieve a better result.
I recognize how my specific history serves me in this regard, and when I DO have to wear them, as in many of the same cases you would, I enjoy it but try not to enjoy it too much. Haha.
In any case, all that to add to the knowledge and experience you shared with us. Thank you.
You’re welcome Paul! I wholeheartedly disagree with Marice – saying that cans are in the way of the performance is like saying to a Fomrula 1 pilot that a seat belt is in the way of his driving performance. Leaving alone the fact that wearing them is compulsory when recording a directed session or when we work with M&Es, we hear ourselves even when we don’t wear cans – except we don’t hear ourselves the way other people do, as I explain in the article. But at the end of the day, the proof is in the pudding : it obviously works for you, and that’s what matters!